Les chemins de fer de Nantes à Legé et Rocheservière

Un accident en 1928

Michel Kervarec

L’accident du chemin de fer se produisit le 24 avril 1928 vers 8h30 du matin et un taurillon échappé du parc de la gare en fut la cause.

Tous les mardis et vendredis, les marchands de bestiaux se réunissaient dans l’enceinte de la gare pour sélectionner les bêtes à destination de Legé ou Rocherservière. L’une d’elles, appartenant à M. Jannières, de Legé, prit la poudre d’escampette par la voie, laquelle grimpait là où est aujourd’hui la rue de Legé puis, après, tournait vers le sud. Un jeune employé avait pris le taurillon en chasse.

On lit dans le journal, le Populaire : « En prévision du passage train, la garde barrière, Mme Rocher avait abaissé les barrières. Voyant arriver l’animal, elle ouvre une des barrières et, agitant un drapeau rouge, se met au milieu de la voie pour lui barrer la route. La bête prend peur, et franchissant la barrière s’engage sur la route avant de se raviser et prendre un petit chemin de servitude qui, sur 50 m, surplombe la voie d’une hauteur d’un mètre.

Piétinant le talus et brisant une barrière, le taureau s’élança à nouveau sur les rails au moment où le train arrivait. A cet endroit (actuel arrêt de tramway de la Balinière), la voie suit une légère pente et le train roule à 30 km/h. Le choc entraine le déraillement de la locomotive et le renversement de deux wagons ouverts et de deux autres plats. La locomotive, qui a perdu le contact avec les rails, se place perpendiculairement aux rails, dévale le remblai et vient s’encastrer, sur une largeur de 4m, dans le mur qui clôt la propriété de M. Potron.

Le mécanicien, Pierre Aguesse, 45 ans et le chauffeur, Francis Danto (tous les deux Rezéens) sont éjectés sur une dizaine de mètres. Les 80 voyageurs du convoi sont indemnes. Arrivé immédiatement sur les lieux, le directeur de la compagnie, M. Plet, fait transporter les blessés à l’Hôtel-Dieu. Pierre Aguesse, avec une jambe cassée, est le plus gravement atteint. »

Pierre sera amputé au-dessous du genou et se déplacera désormais avec une jambe de bois. Le taureau, lui, avait été tué. Quant à la voie, elle allait être bloquée longtemps.

La ligne de Legé a cessé de fonctionner en 1935, mais je me souviens en avoir discuté avec Mme Bénard, l’ancienne propriétaire de la Balinière, née en 1890 en même temps que ladite ligne de chemin de fer. Le train passait à quelques dizaines de mètres de la sortie de sa propriété et l’on tendait alors des chaînes. Il n’y avait pas de passage à niveau.

C’est en 1890, que le préfet de la Loire-Inférieure signa une convention avec la Compagnie française des Chemins de Fer à voies étroites, fondée trois ans plus tôt. Le premier train quitta Nantes le 28 août 1893. Six jours plus tard, une erreur humaine fut à l’origine d’un télescopage de deux locomotives à la Bauche-Tuloup en Pont-Saint-Martin. Les deux machines étaient dans un triste état et deux wagons étaient irrécupérables. Il y eut un mort et sept blessés. Le trafic resta bloqué pendant 25 jours. On devine que bien des gens se refusèrent à prendre le train désormais.

Il repartit cependant.