En 1845, la rezéenne Cécile Mazureau comparaît devant la justice pour exercice illégal de la médecine. Un procès au nom de la sécurité sanitaire, avec des réminiscences de chasse aux sorcières mais aussi des tonalités étrangement actuelles.
— Morgan Le Leuch
En feuilletant le registre de la police sanitaire des Archives départe- mentales de Loire-Atlantique on découvre au folio 184 du registre de l’année 1845 un titre qui retient l’attention : « Cécile Mazureau et sa sœur. Affaire d’urgence expédiée le 12 octobre 1844 » (1). Suit alors un double récit : celui d’une inspection et, à sa suite, la retranscription du procès qui s’en est suivi. Ainsi en 1845, une femme, métisse, âgée de 73 ans, du nom de Cécile Mazureau, se défend face aux juges et aux magistrats du tribunal correctionnel de Nantes. Accusée d’exercice illégal de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie, celle qui est dénommée la « Vierge Noire de Pont-Rousseau », est soutenue par deux bancs de témoins venus apporter encouragements et témoignages.
Ce procès livre un récit a priori banal, celui d’une empirique (2) contre des officiers de santé au 19e siècle en France. Un procès comme celui de Cécile Mazureau est fréquent en ce siècle, héritier des Lumières, qui prétend diffuser les sciences tout en luttant contre des héritages et des croyances tenaces. Courant donc, pour ne pas dire presque anodin, et pour autant singulier à plus d’un titre. En effet, il concerne avant tout une femme – fait assez rare — qui plus est une femme métisse, une personnalité opiniâtre dans ses pratiques et prompte à se défendre comme nous le verrons.
Fille d’un médecin ?
Trouver trace de Cécile et de sa sœur Agnès avant le procès est particuliè- rement difficile. L’acte d’accusation nous apprend que Cécile Mazureau « est fille de François Marie Mazureau mort à Nantes en 1813 ». Ce dernier aurait été médecin à la Martinique où serait née sa fille autour de l’année 1770. Ces éléments proviennent de la retranscription de l’interrogatoire de Cécile Mazureau lors de sa présenta- tion au juge mais ils sont à confirmer. Qu’une importante famille Mazureau existe à Nantes à la fin du 18e siècle est le seul élément avéré.
L’autre élément tangible est la date de décès du père des sœurs Mazureau, le 1er juin 1813 à Nantes (3), mort à 72 ans, qui est qualifié : « de rentier né en la paroisse de Saint-Louis Fort-de- France isle de la Martinique ». Leur mère meurt le 1er mars 1820 à Nantes. On retrouve trace, dans les fonds des Archives départementales de Loire-Atlantique, d’un procès pour un jugement en adjudication au tribunal de première instance de Nantes en 1810 (4). Les parents de Cécile, François Marie Mazureau et Marie Françoise Couroy, sont poursuivis par un sieur Jean Cormerais, jardinier et laboureur de Basse-Goulaine, à propos d’une propriété dite du Grand Logis située sur la commune de Rezé, propriété dont le père de Cécile a pris possession par un acte notarié daté du 19 juillet 1789 (5). On peut donc vraisemblablement affirmer une arrivée à Nantes de l’ensemble de la famille juste avant la Révolution.
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